La ferme des Bories n'attire plus guère la main-d'oeuvre depuis que le chef de famille, Paul, a été condamné au bagne à perpétuité pour le meurtre de sa propre fille. Quand Yvon arrive pour se faire embaucher, il est donc accueilli à bras ouverts. Mais l'homme n'est pas un journalier ordinaire, il a été le surveillant-chef de Paul Bories et, persuadé de son innocence, il est bien décidé à laver l'honneur du bagnard... Cependant si Paul n'a rien fait, qui est le coupable ?

Il avait envie de discuter avec elle et il comprit que c'était peut-être celle qui l'aiderait à sauver Paul.

- Bien le bonjour, Marthe, dit Yvon en souriant.

Elle posa son regard sur lui un instant, un regard aussi clair que celui de Blaisine mais avec une intensité qui paraissait entrer dans l'âme. Yvon détourna les yeux, mal à l'aise.

- Tu travailles au bagne, on m'a dit ? demanda Marthe sans hésiter mais sans aucun ton de reproche.

- Oui, je suis surveillant-chef d'un camp...

Un silence pesant s'abattit. Les yeux de la vieille entraient plus puissamment encore en Yvon qui se sentait sondé, disséqué, mis à nu.

- Mais j'ai tué personne ! Je le jure devant Dieu, ajouta-t-il. Je suis gardien, pas assassin !

- T'en fais pas mon gars, jeta Marthe. Je le vois bien que t'es pas un assassin. Moi, je les reconnais les assassins. Elle envoya un coup d'oeil lourd de sens à Amédée et à Blaisine, l'espace d'un instant, et reprit son oeuvre.

- Et puis, on s'en fiche que tu sortes du bagne, l'Yvon, dit Amédée. T'es un bon gars qui travaille bien. V'là tout ce qui compte.

Florence Roche