Passions impunies
George Steiner
Versailles, Lyon 2ᵉ, Lyon 6ᵉ...
Ce que dit l'éditeurLa culture sera de masse, sur écran et sans plus aucun support papier, en réseaux et en temps réel, conviviale et virtuelle : les Pythies de l'ère numérique tiennent chronique, celle de la mort annoncée de l'acte de lecture, qui, d'Homère à Mallarmé, a porté l'identité de l'Europe Nul autre que Chardin, dans son tableau Un philosophe occupé de sa lecture, n'a mieux dépeint cet acte : le philosophe a revêtu un habit de cérémonie, car la lecture est un acte de courtoisie à l'égard du texte, entrée en commerce du lecteur avec un auteur et ses mots : il s'est entouré de dictionnaires et d'autres volumes, car les mots lui arrivent chargés de tout ce que leur histoire contient en puissance ; il a préparé sa plume, car la lecture est réponse à un texte, grâce aux annotations marginales, aux notes prises, aux citations relevées. Dans le silence de son étude, il va apprendre des passages par coeur, sur lesquels, devenu lui-même écrivain, il fera fonds, comme les grands écrivains d'Occident qui n'ont cessé de reprendre quelques thèmes uniques et singuliers - telles les deux cènes, du Christ et de Socrate -, imposant la littérature comme réseau de résonances. Dans le monde numérique de demain, que restera-t-il de ces passions impunies qui forgèrent la vieille Europe au parapet du monde, de ces lectures bien faites, pour reprendre la formule de Péguy, qui venaient véritablement achever, accomplir les grandes oeuvres des grands hommes, nous imposant, à nous, lecteurs, une < A l'heure où l'on nous invite à décharger notre mémoire vive sur celle, morte, des supports numériques, où la mort du livre est annoncée, sommes-nous inéluctablement appelés à n'être plus que des lecteurs à temps partiel, des lecteurs au rabais ? Pourtant, toute l'histoire de notre Europe est marquée par ces passions impunies qui virent, il n'y a guère, les nazis organiser des autodafés. Staline condamner un poète pour avoir cité Shakespeare, la police pragoise tuer un philosophe parce qu'il avait clandestinement enseigné Platon. Mourir plutôt que d'abandonner, dans sa cité livrée au pillage, une déduction géométrique, tel avait été, aux origines de notre continent, le choix d'Archimède. La culture, réponse à la barbarie, est notre destin. Ce destin, il se trouve encore à Syracuse - Syracuse en Sicile plutôt que dans l'Etat de New York. |
RésuméDes textes extraits de diverses revues et publications de 1981à 1996. A l'heure où l'on nous invite à décharger notre mémoire vive sur celle, morte, des supports numériques, où la mort du livre est annoncée, sommes-nous inéluctablement appelés à n'être que des lecteurs à temps partiel, des lecteurs au rabais ? ©Electre 2025 |
Caractéristiques Auteur(s) Éditeur(s) Date de parution
14 mai 1997
Collection(s)
NRF Essais
Rayon
Essais, correspondance
Contributeur(s) Pierre-Emmanuel Dauzat
(Traducteur), Louis Evrard
(Traducteur) EAN
9782070744855
Nombre de pages
324
pages
Reliure
Broché
Dimensions
21.0
cm x
14.0
cm x
2.1
cm
Poids
330
g
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![]() À propos de l'auteurGeorge Steiner élevé en trois langues, capable de lire dans le textes les auteurs gréco-latins qu'il estime être le fondement de la culture, linguiste polyglotte, a consacré sa vie de chercheur et d'écrivain à, selon ses propres termes, essayer de comprendre pourquoi la haute culture n'a pas pu enrayer la barbarie. |

