Gethsemani

Ce que dit l'éditeur

Non, il n'est pas vrai de ne pouvoir rien dire de Gethsemani sous prétexte qu'il est le mystère des mystères ! Il ne suspend pas toute parole, pas plus que le temps de Gethsemani n'est suspendu. C'est toute l'Histoire résumée qui suinte sur la peau de Jésus : l'hématidrose (la sueur de sang) indique moins la « transcendance de toute sensualité » que l'excès de douleur, dû à la verticale énorme d'une temporalité illimitée. Pas de voyage ici dans le temps, comme chez certains mystiques, mais un empilement vertigineux des milliards de moments humains, comme un accord harmonique et dont le Père éternel connaîtrait seul la note définitive, la tonique d'une apocalypse. Pour cette raison nous ne pouvons nous approcher de ce mystère « insondable » que par le biais des temps humains qui le précèdent immédiatement, ou qui le suivent dans un cadre par conséquent narratif : la Passion, la trahison de Judas, la présence constante de Marie. Si l'on projette la linéarité du récit sur la verticale qui serait représentée par la parole du Christ, autrement dit une dissonance harmonique de l'accord, (« Père, si tu le veux, que cette coupe s'éloigne de moi ! Cependant que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne ! »), on touche le mystère de Son obéissance, d'un héroïsme surnaturel dont l'Amour infini peut seul rendre compte : « Qui mesure à Tes plaies l'Amour tellement renié / connaît Ta faiblesse » Faiblesse de l'Angoisse qu'engendre par exemple la souffrance anticipée de la Passion. Faiblesse aussi de qui doit Ses plaies et ses sueurs de sang à la conscience de l'inefficacité de Son sacrifice. Inefficacité dont Jésus mesure forcément la relativité : Il ne peut pas ne pas songer aux milliers de saints qui vont s'identifier à Lui, dans Sa Passion, voire souffrir Ses stigmates, pour sauver, guérir, redresser les membres et le Corps de Son Église, et contribuer au salut universel.